Effets Spéciaux appliqués au pré étalonnage L’étalonnage numérique a pour objectif premier de recadrer la dynamique en luminance et en teinte d’une capture d’images (film numérisé ou vidéo numérique), afin de la rendre compatible avec la dynamique du media de restitution : projection classique à partir d’un film positif, projection numérique jpeg2000, écrans de TV ou d’ordinateurs, … Cela se fait en utilisant des transformations statiques non linéaires, appelées LUT, qui modifient les contrastes de luminance, et les saturations des teintes. En modifiant ainsi la dynamique de l’image, on peut non seulement adapter un film à la dynamique de restitution, mais aussi en profiter pour modifier la perception émotive du spectateur, en rendant l’image volontairement plus sombre, plus claire, ou en accentuant les couleurs froides, ou chaudes, ou encore en dé-saturant légèrement l’ensemble du film, puis en le colorant d’une teinte uniforme d’ambiance (jaune, bleu, vert, …), etc. On peut dire en cela que l’étalonnage moderne fait partie intégrante de la création artistique globale sur un film. Les coloristes étalonneurs ont de plus en plus pris en charge des demandes de charte graphique, pour appuyer le propos du réalisateur. Nous avions déjà montré, dans le numéro 1 de notre newsletter NEXYAD FX, une méthode de visualisation de l’ambiance colorée d’un film, en un seul coup d’œil : les barcodes. Mais les machines d’étalonnage modernes, si elles peuvent modifier des couleurs, des densités, des contrastes, de manière ciblée … ont des limites techniques : la sélection des couleurs est imparfaite, la gestion des masques n’est pas automatique (pas de tracking ou élémentaire), l’augmentation des densités/saturations/contrastes fait ressortir le bruit d’images, etc … Or, il existe désormais des méthodes de post production numérique avancées qui permettent de travailler l’image de façon plus radicale. Ces méthodes sont à la frontière entre l’effet spécial et l’étalonnage. Nous avons appelé cette phase le « pré étalonnage ». En effet, une fois ces effets spéciaux de pré étalonnage réalisés, il est généralement nécessaire de faire passer le film entre les mains d’un étalonneur coloriste qui va uniformiser le montage, accentuer ou diminuer certains effets, et adapter le film au média de restitution. Dans ce numéro, nous présentons plusieurs exemples de pré étalonnages. En particulier, nous montrons des effets « saison » (effet automne, effet hiver), et des nuits américaines. Nous présentons de même plusieurs étalonnages pour une même prise de vue, afin de bien montrer l’importance de cette phase sur la perception émotive globale que l’on a du film. Nous donnons par ailleurs un lien (HD) vers un clip vidéo dont la post production a entièrement été réalisée par NEXYAD (création, animation, et intégration d’objets 3D, pré étalonnage couleurs, intégrations fonds bleus, fonds verts, …), et sur lequel le travail des couleurs est particulièrement sophistiqué. Cet exemple de travail montre qu’un pré étalonnage soigné peut contribuer à faire baisser les coûts de production (dans cet exemple, vous verrez la qualité d’images obtenue, à partir de prises de vues faites au Canon 5D Mark II …). Bonne lecture. 1 – L’œil n’est pas une caméra : à quoi sert le pré étalonnage L’œil humain n’est pas une caméra. Le cerveau n’est pas un disque dur ou une pellicule enregistrant des images. L’œil capte la lumière grâce à des éléments photosensibles : les cônes, et les bâtonnets Les cônes sont de plusieurs types et nous apportent la vision des couleurs. Les bâtonnets ne sont pas sensibles aux variations de couleurs et nous apportent une vision en en noir et blanc. Le centre de l’œil est tapissé d’un réseau très dense de cellules photosensibles, principalement constituées de cônes. Cette zone est la fovéa. La périphérie contient plus de bâtonnets, moins de cônes. Les bâtonnets ne voient pas la couleur, mais ils sont plus sensibles à la lumière. De ce fait, le jour, nous voyons avec un réseau très dense de cellules sensibles à la couleur (nous voyons en couleur et en haute résolution spatiale), et la nuit, nous voyons avec un réseau moins dense non sensible à la couleur (nous voyons en gris et en basse résolution spatiale : « la nuit tous les chats sont gris »). La sensibilité de l’œil est complexe : nous n’avons pas la même sensibilité de détection pour toutes les couleurs, nous ne percevons pas le contraste de luminance de la même manière en fonction du niveau de lumière ambiante, nous n’avons pas besoin du même niveau de contraste pour voir un objet en fonction de sa taille apparente dans le champ de vision. Les informations sont transmises aux autres cellules de la rétine, cellules nerveuses organisées selon une architecture de connexion très régulière (dont l’inhibition latérale), qui met en relation ces neurones entre eux pour leur faire réaliser des opérations de traitement des images (extraction de contours par exemple : effet Mach, modification locale des contrastes – pour voir les objets à contre jour -, balance des blancs adaptative, …). La cellule de base de détection de lumière de notre rétine est par ailleurs sensible aux mouvements (et la sensibilité au mouvement est plus forte sur la périphérie de la rétine qu’au centre). Enfin, nous avons une vision binoculaire avec un champ de vision presque circulaire d’environ 180 degrés … La variabilité interpersonnelle est assez importante et la vision de certaines couleurs (les pourpres) est assez différente d’un individu à l’autre. On le voit, la caméra (argentique ou numérique) est bien loin de l’œil humain. Il est illusoire de vouloir comparer une capture d’image par caméra avec ce que l’on a « vu » et ressenti en observant la scène. Cela signifie que le « rush » avant post traitement est nécessairement très loin de la perception naturelle. Vouloir donner à l’image capturée des attributs susceptibles de nous faire ressentir la même chose que ce que l’on ressentirait en visualisant la scène in situ, si c’est possible, demande donc forcément énormément de transformations et de post traitement des images. Garder des images les plus proches possibles du rush sous prétexte de ne pas « trafiquer » la réalité n’est donc absolument pas recevable, puisque la réalité (telle qu’elle est perçue par notre système de vision) n’est pas capturée par la caméra. On peut alors voir le pré étalonnage sous plusieurs angles : un angle purement esthétique (on modifie des couleurs pour fabriquer un monde qui n’existe pas nécessairement, mais qui appuie le propos du film), ou bien un angle purement réaliste (pour être réaliste, il faut intégrer des connaissances de psychologie sensorielle et sur notre système de vision, afin de leurrer notre œil, et de lui faire vivre sur un écran plat et rectangulaire, avec un champ restreint, une expérience qui rappelle le mieux possible l’expérience d’observation in situ). Dans les deux cas, une discussion in situ, pendant des repérages, entre le réalisateur, le directeur de la photographie, et l’équipe chargée du pré étalonnage, est généralement une bonne méthode, afin de comprendre ce que chacun « voit » ( « qu’est ce qui est intéressant, là, dans ce que nous sommes en train de regarder ? »). Ce genre de discussion est l’une des bases de travail (parmi d’autres), qui peuvent par exemple conduire à faire ressortir certaines textures, ou au contraire à gommer des textures pour faire ressortir des aplats et des nuances colorées, faire ressortir certaines couleurs, rendre le film pastel ou dur, etc …). De même, la vision naturelle est « lisse », or le film a un grain (grain argentique, bruit numérique) : quel choix fait-on ? réaliste (donc sans grain) ? grain esthétique ? etc … En fonction des effets visuels finaux recherchés, on pourra préconiser telle ou telle méthode de tournage (polarisant ou pas de polarisant, diffuseur ou pas de diffuseur, sous exposé ou non, léger filtre – jaune, bleu, … - à la prise, etc …) pour simplifier le travail d’ensemble et baisser le coût de production tout en maximisant le rendu visuel final du film. 2 – Complexité de la tâche de pré étalonnage Le pré étalonnage numérique consiste, en résumé, à savoir sélectionner des zones, caractérisées par une luminance, une teinte, une saturation, une texture, un mouvement, une taille, . .. puis à modifier, sur ces zones, les informations de luminance, teinte, saturation, texture, … Par exemple, s’il s’agit de sélectionner une surface d’eau : sélectionner les grandes zones middle high bleue-bleu turquoise, très peu saturées, ayant une texture lisse, et bougeant de manière périodique (répétitive : à cause des vagues). Puis décider de recolorer cette surface d’eau (en bleu nuit, en rose, … bref, comme on veut). Les difficultés principales sont : - la précision des masques de sélection : 1 pixel d’erreur, et l’on voit une bande colorée différemment qui jouxte la zone recolorée, - la stabilité temporelle de la sélection : si des pixels sont équivoques, ils seront pris de temps en temps dans le gabarit, et à d’autre moment, pour une très légère variation, ils en sortiront, ce qui génère des clignotements (masque strict troué, masque graduel qui clignote, bord du masque qui se tortille). - la disponibilité dans les outils du commerce de systèmes de segmentation mélangeant à la fois la luminance, la teinte, la saturation, la texture, le mouvement, la taille. - Le bruit d’image qui fait fluctuer localement la luminance, la teinte, la saturation, mais aussi la texture (modifiée par le grain du film), et les mouvements (puisque le bruit d’image est perçu comme un fourmillement aléatoire par notre cerveau, ce mouvement aléatoire se superposant au mouvement de la scène. Par ailleurs, la représentation mathématique des pixels est généralement assurée par deux familles d’espaces : les espaces en coordonnées cartésiennes (exemple : R, G, B), et les espaces en coordonnées polaires (exemple : H, S, L). Il existe bien sûr de nombreuses versions et variantes de ces deux types de représentation. Les espaces en coordonnées cartésiennes (type R, G, B) constituent une représentation simple (du point de vue mathématique), mais les composantes du pixel dans ce mode de représentation sont difficiles à interpréter car elles ne sont pas indépendantes. C’est la combinaison des 3 valeurs R, G, B, qui donne la couleur par exemple. Pour cela, ont été introduites des représentations dites polaires (type H, S, L) : chaque composante représente une notion sémantiquement indépendante (H = Hue = Teinte, S = Saturation, L = Luminance). Mais ce mode de représentation souffre du fait que la teinte H est mathématiquement représentée par un angle (allant de 0 degré à 360 degrés) : or, 360 degrés correspond à un tour complet, et donc à un retour à zéro. Ainsi, les teintes représentées par des grandes valeurs de H (proches de 360 degrés) et celles représentées par de petites valeurs (proches de zéro degré), sont visuellement très proches. Le codage ne respecte donc plus la règle suivante : « quand deux couleurs sont très proches, elles sont représentées par deux valeurs très proches / quand deux couleurs sont très différentes, elles sont représentées par deux valeurs de H très éloignées ». Et lorsque cette propriété (appelée, « topologie ») est cassée, la plupart des calculs sur les images génèrent des artefacts (zones insélectionnables alors qu’on les voit très bien à l’œil et qu’elles sont similaires à des zones sélectionnées, zones sélectionnées alors qu’à l’œil elles ont une couleur très différentes, …). Bien sûr, les outils du commerce travaillent sur ces problèmes techniques, mais ils ont bien d’autres sujets à traiter (gestion des versions logicielles, compatibilité ascendante, debug, temps réel – ce qui interdit d’utiliser des méthodes trop sophistiquées -, …). NEXYAD a développé, et continue de développer, une batterie de méthodes de pré étalonnage qui permettent de s’affranchir de la plupart des pièges. Ces méthodes sont adaptées à une utilisation en pré étalonnage, off line (ce n’est du temps réel comme sur une machine d’étalonnage : c’est du pré calculé, comme pour les effets spéciaux en général). Une fois les scènes importantes pré étalonnées (voire l’ensemble du film), il est alors nécessaire de passer dans les machines d’étalonnage (et entre les mains des étalonneurs coloristes) pour donner au film global sa charte graphique définitive. Nous montrons dans le chapitre suivant des exemples de séquences pré étalonnées, représentatives de cas dont la résolution par les outils du commerce serait moins bonne, voire inexistante (ou trop chère : on peut tout faire en rotoscopie, à la main, image par image …). 3 - Exemples de séquences pré étalonnées (cliquer sur les photos pour voir la vidéo) Séquence de cailloux lancés dans un lac (bout d’essai réalisé avec le directeur de la photographie Philippe Piffeteau) : Rush 35 mm Pré étalonnage façon nuit (nuit américaine) : (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Pré étalonnage façon hiver : (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Séquences de road movie dans le clip vidéo de l’artiste proXima (images Alcatraz prod) : Rush video (Canon 5D Mark II) Pré étalonnage (charte graphique inspirée du film 300) (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Rush video (Canon 5D Mark II) Pré étalonnage (charte graphique inspirée du film 300) (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Séquences de feu de camp sur la plage à marée basse (images NEXYAD) : Rush (vidéo HD Canon 5D Mark II) Pré étalonnage façon nuit (nuit américaine) (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Pré étalonnage (charte graphique inspirée de Pitch Black) (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Pré étalonnage façon ciel bleu, mer bleue (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Séquences sur les Champs Elysées à Paris (images Alcatraz prod) : Rush (vidéo HD Canon 5D Mark II) Pré étalonnage (charte graphique inspirée du film 300) (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Pré étalonnage (charte graphique inspirée du film Sin City) (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Pré étalonnage (charte graphique inspirée de Zodiac) (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Séquence de la série TV « tout nuit gravement à la santé » (images Alcatraz prod) : Rush video (Panasonic HVX200) Pré étalonnage (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Séquence de panoramique sol ciel (bout d’essai réalisé avec le directeur de la photographie Philippe Piffeteau) : Rush 35 mm Pré étalonnage façon nuit (nuit américaine) : (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Pré étalonnage façon automne : (Cliquez sur l'image pour accéder à la vidéo) Pour en savoir plus, contacter NEXYAD : contact@nexyad.net |
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